Tempêtes

[Maly]

Le vent souffle déjà bien fort ce matin et ouvrir les volets de ma chambre m'a demandé un effort inhabituel récompensé à la vue de l'océan tourmenté.
Je suis resté de longues minutes pensive, presque ailleur, sans repère dans une sorte de bulle magique qui danserait au gré de ces vagues folles la menant là où l'on ne va qu'en de très rares occasions, entraîné par des émotions qui se moquent de la raison. Je me sens si bien dans ces moments là, dans cette étrange chaos. Tempête!

Ecrire quelques lignes me permet de rester plus longtemps dans ce monde impalpable, insondable, vaporeux.
À la vérité je n'était pas sereine au réveil. L'amie qui partage notre petite location pour encore une année n'est presque plus présente, il n'y a pas de cours aujourd'hui, mes parents sont à Paris et mon amour chez lui en Bretagne. Je me suis éveillée seule dans cette petite maison, seule à lutter avec mes volets, seule dans ma bulle magique, seule dans mes rêves, mes désirs, mes manques. Tempête !

Je me sens bien loin à cet instant des matins que j'évoquais ici il y quelques heures seulement , cela peut bien sûr sembler bien chaotique, mais je suis ainsi, toujours en lutte entre l'instinct et le raisonné, entre le rêve et le réel, entre l'idéal et le quotidien. Il y tant de vagues dans mon esprit, de questions. Tempête !

Hier soir j'ai travaillé très tard. Ma dernière année d'étude, normalement, au delà d'être la plus importante se révèle au bout de deux mois seulement être probablement la plus difficile. Le fait qu'elle est destinée à sanctionner un long parcours ajoute, en plus de la densité de travail demandé, un stress que je devine aller croissant jusqu'à l'été prochain.
Ma formation me fait côtoyer le beau en permanence, les grands esprits, les créateurs du magnifique, et parallèlement l'humanité expose des montagnes de noirceurs, d'horreurs et d'insupportables misères. Tempête !

J'observe, tout un écrivant, cette planète qui vit derrière mes frêles fenêtres. La pluie fouette les carreaux , le ciel se noircit, un soleil discret tente une improbable percée , il est comme en survie. Assise je ne vois plus les vagues qui dansent plus vite, plus hautes, plus fortes, mais je les sais être prête à montrer leur force dans ces olympiades de la nature si belle et impressionnante. J'ai peur, mais fascinée aussi. Tempête !

Bientôt 11h. Je vois bien en me relisant que je mélange un peu tout, mais c'est à cause du vent, celui qui souffle en moi. Je vais me préparer un petit déjeuné avec des crêpes, comme mon amoureux m'a appris lors de nos petits séjours chez lui, dans sa belle Bretagne qu'il aime tant. Je comprends cet amour là, j'ai le même de mon pays, de ma ville, de mon "chez moi". Alors comment on va faire ? Je vais manger mes crêpes en pensant aussi à ça, à nos attaches familiales respectives. Est-ce que l'un de nous deux devra tourner le dos à tout ça. Déchirements.Tempête !

Alors on n'en sort pas ! C'est ça la vie ? C'est ça l'amour ? Comment ne pas être chahutée, blessée parfois, apeurée ? Le chahut au delà de mes fenêtres , les forces naturelles qui vont secouer la nuit à venir, sont à l'image de ce qui se passe en moi ce matin, comme parfois lorsque mon esprit ne m'appartient plus. Il y vente, il y pleut. Mon cœur y est le soleil qui veut à tout prix vivre le plus beau des arc-en-ciel. Un être rare et bon a tout chamboulé en moi, dans ma vie. Comme dehors ça bouge, mon monde est secoué, mon corps vibre. Tempête.

Maly.