Je sors de mon silence

Tu rencontres un problème dans ta famille et tu souhaites en parler ? C'est par ici
Répondre
Avatar du membre
JM_PAC
Damoiselle
Damoiselle
Messages : 18
Enregistré le : 19 févr. 2022, 11:19

Je sors de mon silence

Je me permets d'écrire ici pour témoigner d'un sale coup qui m'est arrivé l'année dernière, lorsque j'avais 18 ans. J'ai été victime d'un pervers sexuel qui a tenté de me filmer sous la douche. Après avoir fait un cauchemar qui a ravivé ces mauvais souvenirs la nuit dernière, je décide de sortir du silence.

J'étais à la piscine avec mes parents et des amis (appelons les John et Vanessa), et leurs enfants. Nous avons déjeuné ensemble, joué dans la piscine ensemble, jusque là rien d'anormal. Nous sortons tous de la piscine pour nous poser et discuter, ma mère me demande si je veux rentrer pour me doucher. Mon père me propose de me doucher ici, il y a des douches et un sauna que les gens peuvent utiliser, mon père s'était déjà douché ici avant, ce pourquoi il m'avait proposé l'idée. Je dis oui, tout étant contente de pouvoir profiter de l'eau chaude car j'adore prendre de longues douches. Je suis donc allée dans les douches, qui étaient au sous-sol, j'ai allumé la lumière, je suis entrée dans une cabine et me suis déshabillée puis commence ma douche. Environ 10 minutes plus tard, j'entends la porte claquer. Quelqu'un était entré. Ca a tout de suite attiré mon attention, je n'entendais pas le bruit des portes de cabines de douche, ni le bruit des froissements de vêtements. Instinctivement, j'observe autour de moi, au-dessus des murs séparant les douches, en dessous de la porte de ma cabine, mais rien. Puis, dans le coin de l'oeil, je vois apparaître une caméra de téléphone braqué sur moi par dessous la porte de ma cabine de douche. Il m'a fallu 2 secondes pour reconnaître que c'était une caméra, j'ai crié. La caméra s'est tout de suite retiré, l'homme court et s'enfuit des douches. Folle de rage, j'enroule ma serviette autour de moi et je poursuis cet homme. Je l'aperçoit de dos, il entre dans les toilettes des hommes pour se cacher. Je m'arrête, je ne voulais pas entrer dans les toilettes des hommes en étant nue sous ma serviette, surtout seule avec lui. Donc je crie de toutes mes forces à l'aide, j'appelle mes parents en criant fort et en faisant des signes des bras. Ils étaient assis tout au fond de la piscine, donc ils ne m'entendaient pas. Donc je cours à la réception, je dis à l'employé qu'il y a un homme qui m'a filmé sous la douche, il s'est réfugié dans les toilettes et je voulais qu'il me le retrouve. Pendant que l'employé va le chercher, je cours vers mes parents en criant à l'aide. Quand je leur ai dit que quelqu'un m'avait filmé sous la douche, nous avons tous couru vers la réception. J'ai vu un homme sur son téléphone, je ne savais pas si c'était l'homme que je recherche car je n'ai pu voir que son dos. Mais heureusement ma mère a eu le bon réflexe d'arracher son téléphone de ses mains, il n'a pas réagi, c'était bien lui. Je suis retournée dans les douches pour expliquer à ma mère ce qu'il s'est passé, puis je me suis changée. En revenant, j'ai vu tout le monde le forcer à déverrouiller son téléphone pour qu'on puisse vérifier sa galerie, mais il a refusé. En colère, mes parents ne cessaient de lui crier dessus, John aussi tentait de lui mettre la pression en disant qu'ils allaient appeler son patron (celui de l'équipe des employés, car oui cet homme était en fait un employé et travaillait dans l'équipe de nettoyage) et le manager de la piscine. Il a encore refusé, donc on a appelé tout le monde. L'homme a dit ne pas m'avoir filmée, qu'il a juste voulu faire le ménage dans les douches. C'était vraiment l'excuse la plus minable que j'avais jamais entendu. Les managers, mes parents, John, tout le monde lui criait dessus en disant qu'il n'avait pas à faire le ménage dans les douches des femmes, que l'heure de nettoyage était bien plus tard que ça et que comme j'avais allumé la lumière il était évident que quelqu'un utilisait déjà les douches. Mon père a essayé de le frapper physiquement, tout le monde le retenait. Ma mère le couvrait de honte, elle criait qu'il avait osé faire une chose aussi répugnante à une fille de 18 ans. Ils lui ordonnaient de déverrouiller son téléphone, il a encore refusé. On a donc appelé la police. L'homme refusait toujours de déverrouiller son téléphone, et disait qu'il le ferait seulement à l'arrivée de la police. Tout le monde lui criait dessus, le couvrait d'injures, mes parents, John, son patron, la manager, tout le monde se battait pour moi, sauf moi. Encore aujourd'hui, je n'arrive pas à décrire ce que je ressentais ce jour-là. Moi qui est d'habitude assez colérique, je n'arrivais pas à penser à quoique ce soit, je n'arrivais pas à lui crier la moindre injure, ni à lui donner la moindre baffe. Tout ce que je faisais était de le fixer, lui n'osait pas me regarder. Mon cerveau avait énormément de mal à digérer ce qu'il venait de se passer, tout s'est passé tellement vite. Je ne savais pas si j'étais en colère, si je me sentais humiliée, si je me sentais triste, c'était le vide total dans ma tête. Je n'avais même pas la force de pleurer.

Un peu avant que la police n'arrive, l'homme décide finalement de nous laisser voir à l'intérieur de son téléphone. Nous avons vérifié sa galerie et son google photo, on a vu qu'il avait supprimé définitivement des photos à l'heure exacte du drame. Donc il m'avait bel et bien filmé. L'homme tente de se justifier en disant qu'il voulait faire le ménage dans les douches, sauf que sans faire exprès il aurait fait tombé son téléphone et la caméra se serait allumée toute seule, suite à quoi il aurait immédiatement supprimé la vidéo. Cette excuse bidon avait suffi à provoqué ma rage.
"QUOI, MAIS JE VAIS LE BAFFER!" étaient mes mots exacts, ces mots étaient sincères, mais mon corps refusait de bouger, probablement à cause du choc que je subissais.
Mon père, par contre, n'a pas hésité. Etant ceinture noire de taekwondo, il lui a tout de suite mis le coup de pied le plus violent que j'ai jamais vu en plein dans la figure, puis il s'est mis en position de combat au cas où l'homme voulait se battre. Mais il n'était pas en état de faire quoique ce soit, il saignait et avec le coup il s'est cogné l'arrière de la tête contre la vitre derrière lui. Tout le monde se précipitait pour empêcher mon père de lui faire quoique ce soit d'autre, pour ma part j'étais figée. Je n'avais jamais vu mon père autant furieux, et c'était vraiment la plus belle action de la soirée.

La police est arrivée, ils ont vérifié son téléphone. Comme il avait déjà effacé la vidéo, c'est comme s'il n'y avait pas de preuves, donc à ce stade la police ne pouvait pas faire grand chose. Mais heureusement, tout le monde était de mon côté, la police aussi. Ils ont donc décidé de l'emmener au commissariat pour examiner en profondeur le contenu de son téléphone et pour interroger l'homme jusqu'à ce qu'il avoue tout. Nous de notre côté, nous sommes arrivés au commissariat environ 20 minutes plus tard, le temps de prendre nos passeports et de nous habiller un peu plus convenablement (tout le monde était encore en maillot de bain). Il y avait moi, mes parents, John, le patron et la manager. Lorsque nous sommes arrivés, la police nous a dit qu'il avait déjà tout avoué. Il a aussi bel et bien supprimé définitivement la vidéo, il ne l'avait pas envoyé à quiconque, ni diffusé sur internet. La question était qu'est-ce qu'on allait faire de lui. Il a avoué mais il a aussi effacé les preuves, donc c'est comme s'il n'avait "pas encore commis de crime", on ne pouvait donc pas l'envoyer derrière les barreaux. Par contre, il est inculpé de perversion sexuelle, sa famille sera convoquée et leurs papier de maison seront confisqués. Mes parents voulaient qu'il en souffre plus, notamment en lui réclamant des dommages et intérêts, mais le risque était qu'il nous réclame des dommages et intérêts pour la blessure que mon père lui a infligé. Comme nous n'avions aucune envie de payer pour ses blessures qu'il avait méritées, nous ne savions pas quoi faire. Je voulais le ruiner financièrement, mais à quoi bon si ça se retourne contre nous. John nous rassurait en disant que si l'homme a aussi avoué la vérité, c'était très probablement parce qu'il s'était fait torturé par la police (je ne vis pas en France, donc ici les méthodes sont très différentes), John connaît bien le milieu de la police donc j'espère que ce qu'il a dit est vrai. Tout était encore trop à chaud dans nos têtes, donc la police nous suggère de rentrer pour nous calmer et réfléchir à ce qu'ils veulent faire ensuite, ils nous donnent une semaine pour leur donner notre décision.

Ca n'a jamais été autant confus dans ma tête. J'étais complétement perdue face à toute l'agitation que j'observais. Pendant toute la soirée, j'ai cru être la spectatrice d'un drame, alors que j'en étais la victime. Heureusement, j'étais bien entourée à ce moment-là. Je n'avais pas les mots, ni la force de me défendre, mais mes parents étaient là pour le faire pour moi. John était aussi tellement encourageant, pendant toute la soirée il ne cessait de me répéter que j'étais une héroïne, que grâce à moi il y a un taré de moins dans la circulation, que j'avais des bons réflexes et que je n'ai pas hésité à poursuivre cet homme, même nue sous ma serviette, et que je n'ai pas hésité à crier. Il me félicitait en permanence, disait que j'étais impressionnante, que j'étais une héroïne qui a sauvé pleins de jeunes filles, car c'est sûr qu'il aurait continué à faire ces atrocités à d'autres que moi. Ma mère aussi était là pour me rassurer, me dire que je n'étais pas une victime mais une battante, car une victime serait restée silencieuse et se serait renfermée sur elle-même, ce que je n'ai pas fait. Au contraire, je me suis battu. Je n'avais pas vu tout ça sous cet angle, tout était encore très confus dans ma tête, mais leurs mots m'allaient droit au coeur. J'avais aussi appelé ma meilleure amie dans la soirée pour lui raconter, lui parler, exprimer un peu mieux ce que j'avais dû mal à expliquer. J'étais contente d'être bien entourée et étais extrêmement reconnaissante de leur soutien et compliments, car je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'étais seule à ce moment-là.
En reconstituant la scène, la manière dont l'homme tenait son téléphone et le peu de temps qu'il a filmé, on pense qu'il n'a pas pu me voir, ni filmer grand chose (peut-être juste mes jambes). Et comme j'ai crié comme une hystérique, il a dû tout de suite supprimé la vidéo sans prendre le temps de me mater. Au final, je ne suis pas souillée.

Lorsque je me suis réveillée le lendemain, j'avais l'impression de m'être réveillée d'un mauvais rêve. Tout me semblait si loin, si irréel.

Quelques jours plus tard, mes parents sont retournés au commissariat. On a décidé de ne pas lui réclamer des dommages et intérêts car on pensait que ça ne vaudrait pas le coup. Mais mes parents ont tenté d'amadouer les policiers en leur offrant du vin français de qualité en remerciements, en retour le policier nous a rassuré en disant qu'ils s'occupent de le cuisiner, qu'ils avaient "une salle" pour lui (salle de torture ?). L'homme a juré sur sa vie que la vidéo a été supprimée pour de bon, qu'elle n'a pas été diffusée ou que ce soit et qu'on ne puisse jamais la retrouver sur aucun appareil. La manager l'a aussi forcé à jurer qu'il ne réclame jamais de dommages et intérêts pour la blessure que lui a infligé mon père. Il a signé un papier pour officialiser toutes ces promesses. Je doute qu'il ait menti, s'il s'était vraiment fait torturé par la police, j'imagine que les représailles qu'il aura à subir s'il a menti seraient trois fois pire. En bref, l'homme a perdu son travail, a une grosse blessure près de son oeil grâce à mon papa, a été battu, sa famille a sans doute honte de lui, et a maintenant un casier judiciaire. L'affaire est donc réglée.

J'étais très contente d'avoir ma famille à mes côtés ce jour-là. Ils se sont battu pour moi, m'ont consolé, et m'ont même emmené en week-end au bord de la mer. Je suis si heureuse d'avoir des parents aussi forts, qui me chérissent et me protègent même si j'ai atteint l'âge adulte. La manager m'a aussi envoyé des fleurs, des fruits et une lettre d'excuse pour ce qu'il s'était passé.

Les jours passent, et j'ai vite compris que même si l'affaire était réglée, elle m'a quand même laissé des traces. J'étais devenue très méfiante. Méfiante des hommes qui me regardent, méfiante des chauffeurs qui tente de me faire la conversation quand je vais à l'école en taxi, mais surtout méfiante des toilettes publiques et des cabines d'essayage. Je n'ai plus mis les pieds dans une cabine de douche publique depuis. Maintenant, je vérifie toujours s'il n'y a aucune caméra cachée lorsque je vais aux toilettes et je regarde toujours dans les espaces en dessous et au dessus des portes. Même chez moi, je ne me sens pas en sécurité. C'est idiot, mais avant de me déshabiller pour me doucher je regarde partout, vérifier qu'il n'y a aucune caméra cachée même si je suis chez moi, vérifier que personne ne regarde par la fenêtre même si je suis au premier étage, verrouiller ma porte même si je suis seule. D'habitude, j'adore prendre de longues douches pour me détendre et méditer, mais après ce qu'il s'est passé je n'y restais pas plus de 5 minutes de peur d'être surprise par quoique ce soit. C'est affreux de ne pas se sentir en sécurité même au sein de son propre foyer.

Il y a encore quelques mois, ces mauvais souvenirs refaisaient surface de temps en temps d'une manière assez aléatoire. C'était comme se souvenir d'un cauchemar qu'on ait fait la nuit dernière, un sentiment de malaise mais aussi le sentiment que ce cauchemar soit loin, trop loin pour être vrai, trop loin pour nous atteindre.

Il y a très peu de gens qui sachent ce qu'il s'est passé. J'en ai parlé qu'à trois de mes amies les plus proches et à mes parents. Mais j'avais l'impression que cela ne suffisait pas. Je ressentais en permanence ce besoin de tout évacuer, me vider de tout ce que je pouvais exprimer, raconter mon histoire pour qu'enfin la hantise de ces mauvais souvenirs disparaisse.
J'ai essayé d'écrire pour exprimer ce que je ressentais, tout raconter pour faire le point avec moi-même comme j'avais si l'habitude de le faire. Mais je n'y arrivais pas. Ecrire sur cet évènement ne faisait que me remémorer ces mauvais souvenirs, et j'ai perdu tout courage de m'en délivrer.

Mais aujourd'hui, après un an, je décide enfin de prendre mon courage à deux mains. Je n'écris pas pour attirer l'attention ou pour me lamenter, j'écris pour me délivrer de mon silence, et enfin faire la paix avec moi-même vis-à-vis de ce qu'il s'était passé. Je peux enfin raconter mon histoire sans avoir peur, car je n'ai pas honte. Je n'aurai jamais honte, je ne me sens pas victime, je ne suis pas une victime. Et même si c'était le cas, les victimes ne devraient jamais avoir honte, seuls l'auteur de leur malheur devrait l'être. Aujourd'hui je vais mieux. Je profite à nouveaux de longues douches et j'ai regagné le sentiment de sécurité que j'avais alors perdu. Je me méfie toujours un peu des toilettes publiques et des salles de bains dans les hôtels, c'est un réflexe que je ne peux me défaire et qui fait maintenant partie de moi. Je ne vois pas forcément ça comme une mauvaise chose, car il est impossible d'oublier ce qu'il m'est arrivé, certaines marques s'estompent avec le temps, certaines restent, mais l'essentiel est que je continue d'avancer dans la vie sans être retenue par un quelconque regret.
nikole
Damoiselle
Damoiselle
Messages : 1
Enregistré le : 16 janv. 2024, 08:22
Contact :

Re: Je sors de mon silence

Salut,

Je suis vraiment désolé d'apprendre ce qui vous est arrivé, et je vous remercie d'avoir partagé votre histoire avec nous. Vous avez fait preuve d'une grande force et de courage en confrontant cette situation et en prenant des mesures pour vous protéger. Il est essentiel de ne pas porter la honte des actes d'autrui, et vous avez raison de souligner que les victimes ne devraient jamais avoir honte. Votre témoignage peut être une source d'inspiration pour d'autres personnes qui pourraient avoir vécu des expériences similaires.

Dans certains cas, il peut être utile de porter plainte pour harcèlement moral dans la vie privée afin de mettre en lumière de tels comportements inacceptables et de protéger d'autres personnes contre de futurs incidents. Cependant, cette décision dépend de votre propre confort et de votre volonté de poursuivre légalement cette affaire. Si vous envisagez de porter plainte, il est essentiel de consulter un avocat spécialisé dans ce domaine pour vous guider tout au long du processus.

N'oubliez pas que vous avez droit à la sécurité et à la protection, et il est important de prendre soin de votre bien-être mental et émotionnel. Si vous ressentez le besoin de parler à un professionnel de la santé mentale pour vous aider à gérer les séquelles de cette expérience, n'hésitez pas à le faire. Votre santé et votre bien-être sont primordiaux.

Merci encore d'avoir partagé votre histoire, et j'espère que vous continuerez à aller de l'avant vers une vie plus sereine et épanouissante.
Avatar du membre
JM_PAC
Damoiselle
Damoiselle
Messages : 18
Enregistré le : 19 févr. 2022, 11:19

Re: Je sors de mon silence

Bonjour nikole,

Merci beaucoup pour votre retour et votre soutien, j'apprécie énormément votre message. En ce qui concerne l'affaire, j'estime qu'elle est déjà close, nous nous sommes renseignés et c'est tout ce que nous pouvions faire contre lui judiciairement parlant, mais je vous remercie pour votre suggestion. Je peux aussi vous rassurer sur le sujet de ma santé mentale, aujourd'hui je vais mieux et je ne pense plus à ce drame, et si besoin j'ai toujours ma famille à mes côtés si j'ai besoin d'un soutien émotionnel. Je ne pense pas avoir besoin d'une aide professionnelle, mais c'est très gentil de vous inquiéter de mon bien être, je vous en remercie.

Merci encore d'avoir lu mon témoignage et pour vos mots, ça me touche beaucoup de recevoir du soutien extérieur, a bientôt peut être
Répondre

Retourner vers « Famille »